PREFACE
Pour avoir subi avec lui la rééducation politique imposée par le Vietminh aux prisonniers de guerre, j’ai bien connu Thomas CAPITAINE... et y ai apprécié sa résistance physique et morale.
Il appartient aux rares rescapés du Camp 113, tristement célèbre depuis "l’affaire BOUDAREL". Dans ce "mouroir", en plus des brimades et des privations communes à tous les centres d’internement, il était soumis aux, fantaisies machiavéliques d’un professeur français qui avait déserté pour devenir "Commissaire Politique" à la solde de l’ennemi.
Thomas Capitaine relate ses deux années de captivité. Il a connu les Camps de représailles, d’où certains disparaissaient sans laisser de traces.
Il nous a fait partager le bonheur d’une première douche après quatre mois de crasse, de poux, d’ascaris et de dysenterie.
Nous vivons sa terrible évasion, presque réussie, l’assassinat de son coéquipier, et le désespoir du retour au point de départ.
Il explique comment BOUDAREL provoquait la mort "sans toucher" :
- en abreuvant de cours de "rééducation politique" des hommes blessés, malades, éreintés, affamés;
- en obligeant les moribonds à se lever pour assister à ces séances, qui contribuaient à les achever;
- en exploitant la pratique clé la "critique et de l’auto-critique" pour créer un détestable climat de méfiance, de discorde et de délation;
- en remettant au Vietminh des médicaments parachutés par la Croix Rouge Française et en les refusant aux malades abandonnés sans soins;
- en réservant aux évadés repris un sort qui menait à une fin quasi certaine ;
- en établissant lui-même la liste des "libérables", c’est-à-dire en s’attribuant le droit de vie et de mort;
- en poussant la cruauté jusqu’à renvoyer au camp des prisonniers déjà sur le chemin de la libération: certains en mourront de désespoir ;
- en détenant un record de mortalité, avec 1 à 8 décès par jour sur un effectif d’environ 300 "pensionnaires" renouvelables.
Dans un style sobre, dépouillé, évident de sincérité, Thomas Capitaine nous révèle aussi le fond de la nature humaine avec ses bassesses... et ses prodiges de générosité. Il nous encourage à la méditation...
Jean-Jacques BEUCLER
Ancien Ministre
Ancien prisonnier du Vietminh de 1950 à 1954
Octobre 1991